RESEAU OUTREAU [2000]

UPDATE JUIN 2021 — Le Parquet de Boulogne-sur-Mer vient de requérir le renvoi aux assises de Franck Lavier, acquitté en 2005 avec douze autres accusés de viols à Outreau, pour agressions sexuelles et viol sur sa fille mineure. On attend l’annonce de l’ordonnance de renvoi par le juge chargé de l’instruction. (1, 2)

Tout commence en décembre 2000 par les accusations des enfants de Myriam Badaoui et Thierry Delay, un couple habitant à Outreau dans le Pas-de-Calais. Leurs quatre fils ont été placés en famille d’accueil à la demande de leur mère, car leur père est violent. Un jour, l’un d’eux évoque des comportements clairement inadmissibles de la part des parents. Les services sociaux signalent alors les soupçons d’abus sexuels à la direction de l’enfance (DEF) du Pas-de-Calais.

En février 2001, la justice ouvre une information judiciaire, confiée au juge d’instruction Fabrice Burgaud, récemment diplômé. En plus de leurs parents, les enfants accusent plusieurs adultes de les avoir violés. Chérif Delay raconte qu’il était violé en réunion dans un réseau de pédophiles où l’argent circulait abondamment et dont faisaient partie ses parents, ses voisins, etc… Il désigne d’autres jeunes victimes.

Le couple Delay-Badaoui est alors placé en détention provisoire. Lui nie les faits tandis qu’elle les reconnaît et accuse d’autres adultes d’avoir commis des faits similaires. L’enquête s’oriente vers un réseau pédophile entre la France, les Pays Bas et la Belgique.

En 2004, le procès des 17 suspects, qualifiés de monstres, s’ouvre à la cour d’assises de Saint-Omer. Un procès pendant lequel les 12 victimes, les témoins et avocats sont attaqués et discrédités de toute part. Précisons un fait important : au tribunal, sous prétexte de manque de place, les enfants sont placés dans le box des accusés sous le regard de tout le monde, assaillis et terrorisés par les questions des 19 avocats de la défense. Les accusés , eux, sont installés dans l’audience, à proximité des journalistes. Symboliquement c’est horrible et orienta certainement le verdict.

Les accusés sont poursuivis pour des viols et agressions sexuelles présumés sur dix-sept mineurs, de 1995 à 2000. Sept d’entre eux sont acquittés. Le couple Delay-Badaoui et un couple de voisins, Aurélie Grenon et Thierry Delplanque, reconnaissent les faits et écopent de peines de prison ferme.

Lors du procès en appel, Myriam Badaoui finit par dire qu’elle a menti, ce qui hélas mettra un gros doute sur les témoignages des enfants pourtant entendus par des experts. L’avocat général Yves Jannier ira jusqu’à demander à l’un des enfants Delay s’il a été “violé par des Martiens”. De plus, le procureur général Yves Bot qui soutenait le travail du juge Burgaud jusque là, remettra largement en cause ses compétences et admettra l’erreur de jugement en présentant ses excuses aux accusés avant même la délibération du jury ! Et c’est aussi à partir de là que la puissance de la parole de l’enfant victime perdra toute sa valeur. Politiquement, n’est-ce pas un moyen de fragiliser la posture du juge d’instruction, voire même d’envisager la suppression de la fonction ? Un juge intègre dont l’attitude peut déranger, parasiter et même nuire au délibéré ( souhaité, prévu) de certains procès ? Nicolas Sarkozy fera de la disparition de cette fonction l’un de ses principaux combats. Le 1er décembre 2005, le verdict d’acquittement général pour l’ensemble des accusés est rendu par le jury.

En décembre 2005, après l’acquittement général, l’Assemblée Nationale crée une commission d’enquête parlementaire durant laquelle de nombreux dysfonctionnements (selon elle) ont été pointés du doigt, à tous les étages de la justice : juge d’instruction incompétent et omnipotent, présomption d’innocence bafouée, experts psychiatriques qui ont cru trop facilement la parole des enfants… Suite à cette commission, une procédure disciplinaire a été menée par le Conseil supérieur de la magistrature; le juge d’instruction Fabrice Burgaud a été sanctionné par une « réprimande avec inscription au dossier ».

Le 23 février 2012, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a condamné Franck et Sandrine Lavier respectivement à dix et huit mois de prison avec sursis pour violences habituelles (sans caractère sexuel) sur deux de leurs enfants. Le couple avait été également inculpé de corruption de mineurs, des vidéos prouvant que des adultes nus avaient mimé des actes sexuels devant de jeunes enfants au domicile des Lavier. Le tribunal a estimé que ces faits étaient moralement répréhensibles, mais que la volonté de corrompre les mineurs n’était pas prouvée et a acquitté les époux. Le 8 juin 2016, Franck Lavier a été placé en garde à vue, sa fille de 17 ans ayant porté plainte contre lui pour agressions sexuelles et viols. Il a été mis en examen à l’issue de sa garde à vue.

Depuis, Thierry Delay a refait parler de lui. En 2018, il est condamné pour détention d’images pédopornographiques constaté lors d’un séjour dans un centre de soins psychiatriques. En début d’année 2020, il était de nouveau convoqué au tribunal pour agressions sexuelles cette fois, sur une femme en situation de handicap. Jonathan, quant à lui, tente de se reconstruire, il veut être «autre chose qu’un enfant d’Outreau ». Il s’est constitué partie civile au procès de Daniel Legrand fils, après avoir refusé dans un premier temps d’y participer, dénonçant “une mascarade”. “Cela fait dix ans que j’attends cela. C’est une manière pour moi d’être enfin entendu et de m’expliquer avec la personne concernée”.

On ne mentionnera donc jamais officiellement, que certains des acquittés sont, par la suite, tombés dans des affaires similaires d’abus sur enfants…

Version officielle

La version officieuse – Lorsqu’une victime parle plusieurs années plus tard

 

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