Saint-Victor est un paisible village ardéchois, niché au cœur d’une nature verdoyante. En surface, il s’agit d’un village reculé, commun à tant d’autres. Mais dans ses entrailles se cache une autre réalité, plus sombre : un complexe souterrain qui a hébergé en son cœur un large éventail d’activités criminelles, à savoir des abus sexuels, des sévices sur des enfants retenus en captivité dans des cages et même, selon les témoins, des meurtres, le tout commandité par des adultes issus de milieux très différents.
Au milieu des années 90, trois enfants issus de la même fratrie, Noémie, Pierre et Mathieu M., ont échappé aux griffes de ces prédateurs. Ils ont alors dévoilé les agissements de ce qui s’apparente à une bande organisée aux multiples ramifications criminelles, et ce malgré les menaces de mort pesant sur eux, à la suite de leurs révélations. Ce vaste réseau aurait été relié à d’autres réseaux français et en lien avec le tristement célèbre Marc DUTROUX.
Sans l’étonnant courage de trois enfants et de leur mère, il est probable que rien n’aurait été dévoilé. Dans ce dossier, il est donc question d’une filière de trafic d’enfants, de crimes rituels sataniques… Et pourtant, l’enquête sera bâclée, la justice aux abonnés absents, les prédateurs jamais inquiétés. Seule la chaine allemande SAT1 a consacré à cette affaire une longue enquête intitulée « La terrible vérité – enfants maltraités, âmes torturées » de Didier CAZET, Ralf HERMERSDORFER et Tanya SCHMIDT, diffusée le 2 décembre 2002.
Ce documentaire a été le seul relais médiatique à cette affaire. En France, ce sujet n’a prudemment jamais été évoqué dans les médias.
Il est temps de rouvrir ce cold-case.
Saint-Victor est une commune située dans le département de l’Ardèche, dans la région Auvergne Rhône-Alpes, situé à une vingtaine de kilomètres d’Annonay et Tournon-sur-Rhône, en moyenne montagne. Elle compte environ 950 habitants, ce qui en fait naturellement un petit village, comme il en existe beaucoup aux alentours.
Pourtant, c’est dans cette bourgade de campagne que des atrocités inqualifiables – tant elles sont au sommet du morbide – ont été perpétrées.
Dans le déni le plus total, Saint-Victor resta épris de silence et emmuré dans le secret. Personne ou presque ne s’est exprimé sur ce qu’il semble s’être passé laissant planer une question troublante : comment de telles horreurs ont-elles pu se dérouler sans que personne ne s’en aperçoive ? Ne soyons pas dupes. Dans ces années-là, dès qu’on parle de réseaux, tous les feux s’éteignent. On crie au complot, à la calomnie, on vous tourne en ridicule, on n’écoute pas… on n’entend pas. On ne veut pas entendre.
Après tout, comment peut-on imaginer qu’un mal aussi dantesque existe ou ait pu exister ? Il faudrait être fou pour le croire !
Les enfants qui dénoncent sont forcément des affabulateurs. Manipulés par leur mère, ou leur père…
S’il n’y a pas de preuves, cela veut dire que tout ça n’existe pas. Evidemment, car on ne trouve jamais ce qu’on ne cherche pas.
Entrons maintenant dans le vif du sujet, afin que chacun puisse se faire sa propre opinion. Ce qui va suivre est la synthèse globale du témoignage des enfants M., des rapports d’enquêtes, de longues recherches associées.
Les faits décrits par les victimes se sont en partie déroulées dans des souterrains situés sous le village qui historiquement servaient de système d’adduction en eau dans le village et jusqu’à un château plus éloigné.
Aujourd’hui, les accès aux souterrains du village ont été condamnés et murés, très vite après que les enfants se mirent à parler.
Malgré les tentatives de dissimuler les entrées par les auteurs présumés, des traces évidentes de ces passages subsistent, résistant encore à l’effet du temps.
PHOTOGRAPHIE PRISE EN 2022 CIMETIÈRE DE SAINT VICTOR UNE ENTRÉE FACILE À DEVINER
Pourtant, l’existence des souterrains à Saint-Victor reste fortement niée. La justice n’a pas reconnu leur existence ce qui a en partie fait capoter l’affaire. La mairie du village concluait la même chose et c’est encore le cas aujourd’hui, lorsque l’on s’adresse à eux ou à certains habitants impliqués dans la vie locale.
On accédait à ces souterrains par plusieurs entrées. Dans une lettre en partie écrite par les enfants à l’époque, ils décrivent avec précision leur agencement :
« Quand on a soulevé la trappe avec papa devant l’établi pour rejoindre la cave dessous la Maison Rouge en septembre 1994, on a cassé le mur pour faire un passage d’un mètre de haut. La terre on l’a mise au fond du jardin, l’épaisseur du mur faisait 70cm à 1 mètre de large. Derrière, il y avait une autre cave voûtée. A gauche de cette cave qui se trouvait sous l’église, on a fait les cages où étaient retenus et attachés les enfants, et où on les tuait après les avoir torturés. A côté des cages, un souterrain en pente où il était formellement interdit d’y aller. Le plafond était voûté et on aurait dit qu’il y avait de l’eau au fond, mais c’était très noir. Par les escaliers à droite, on montait à la sacristie de l’église où on sortait par une trappe. A côté de l’escalier de la sacristie, un autre souterrain part en se rétrécissant. Il tourne et descend jusqu’au vide sanitaire sous l’appartement de mon père et de ma mère en suivant la route. Avant les HLM, un autre souterrain qui va jusqu’au quartier Bru et où on sort par une planche recouverte de grandes herbes. Ensuite, on rentre par une grille dans un autre souterrain et on arrive à un croisement sur la gauche qui va à la mairie et on en sort par une trappe dans la salle de réunion, et à droite à la crypte et à la chapelle du cimetière où on trouve deux salles du caveau. »
Des images datant de 2022 d’une source anonyme montrent le lavoir communal situé près de la « Maison Rouge » repeinte aujourd’hui en beige (coin supérieur gauche). Un trou d’aération dans le placo du lavoir et l’infiltration d’une caméra armée d’une perche a permis de montrer un immense réservoir d’eau à l’intérieur duquel on devine encore l’entrée d’un tunnel, partiellement muré, qui se prolonge sous l’église.
Les recherches menées par les gendarmes à l’époque concernant l’existence de ce réseau souterrain dénotent de signes de négligence évidents. Ils ne sont pas allés jusqu’au bout pour faire éclater la vérité. Il faut dire que le maire en place à l’époque, faisant partie des adultes dénoncés par les enfants comme participants aux maltraitances, est intervenu pour empêcher certaines fouilles dans l’église.
Dans cette lettre susmentionnée, il est aussi écrit :
« La propriétaire de la Maison Rouge a affirmé à la gendarmerie le 30 mai 1997, en présence des enfants et de l’avocat qu’il n’y a jamais eu d’établi, que rien n’a été déplacé ni changé depuis le départ du père en avril 1995 […] La gendarmerie a trouvé les planches de la trappe avec les traces de vis, vu aussi par l’avocat. L’atelier nettoyé, sans même une toile d’araignée. Les araignées en voyant la gendarmerie ont pris leur toile et se sont échappées. »
Une enquête confiée à Jacques BERTHELOT, diligentée par le C.I.D.E en 1998, a confirmé par une série de clichés la présence de souterrains à Saint-Victor. Mais le dossier, remis à la police par l’enquêteur alors en charge des investigations sur place, a étrangement disparu. À Saint-Victor, le mutisme est de rigueur. Personne, ou presque, ne veut parler de cette affaire.
Le 2 décembre 2002, la chaine allemande SAT1 va donc donner la parole à deux des victimes de ce réseau, Noémie et Pierre M., dans le cadre d’une enquête qui a duré 3 ans.
Dans ce documentaire, on retrouve Noémie, âgée de 19 ans, qui fait le récit de son histoire avec son frère Pierre, âgé de 18 ans. Elle s’exprime face à Didier CAZET, un reporter français qui rouvre le dossier et reprend les éléments en possession du C.I.D.E ayant mené l’enquête 5 années plus tôt.
Elle confie sans crainte les différents abus qu’elle a subi par son père et son oncle, puis la révélation d’un secret : des caves, des souterrains, dans lesquels sont retenus des enfants dans des cages. Elle raconte ce qu’elle est obligée de faire. Les trois enfants, initialement victimes d’abus sexuels au sein de leur famille, auraient été aliénés et forcés à participer eux-mêmes aux crimes sur d’autres enfants. Lors de ces séances, elle fait également état de tournages de « snuff movies », des séquences filmées de viols, tortures et meurtres d’enfants, pouvant se vendre à des prix d’or, jusqu’à 20 000 euros. Il est clair que ce « luxe » n’est pas à la portée de n’importe quelle bourse…
« Mon grand-père a montré à mon frère comment tuer l’enfant. Mon frère a été contraint de le tuer. »
Elle évoque aussi une filière satanique dirigée par son grand-père paternel.
Elle décrit ainsi sa première messe noire dans le reportage :
« Je suis rentrée, ils avaient fermé tous les volets, les rideaux, il faisait noir et il y avait des tapis par terre. On m’a dit de m’assoir, donc je me suis assise. Il commençait à y avoir autour d’une table des prêtres avec des bougies, vêtus de longues robes rouges obscures, presque noires. Ils tournaient autour de la table et chantaient. Cela a duré pas mal de temps. Ils ont commencé en apportant quelque chose emballé dans le même tissu que leurs robes, et l’ont posé sur la table. C’était un enfant. Mon grand-père Maurice M. portait l’enfant dans ses bras. Mon frère Pierre se tenait à côté de lui. Un couteau de cérémonie a été sorti par mon grand-père, passant de main en main jusqu’à arriver de nouveau à mon grand-père. Il a montré à mon frère comment tuer l’enfant. Mon frère a été contraint de le tuer. L’enfant a bien sûr crié. Ils ont encore prononcé quelques prières et on est sortis. Les cérémonies se déroulaient toujours à peu près de la même manière. Ensuite, il y a eu un repas sur la terrasse. Il y avait deux grands plats, avec de la chair, de la viande… maintenant je sais que c’était de la chair humaine. Cela faisait partie de l’initiation à cette secte. On en fait partie sans même s’en rendre compte. Et l’aboutissement de ces rites, c’est… le cannibalisme. »
Pierre dit que d’autres cérémonies satanistes se sont tenues à l’Eglise de Veyrines, à Saint-Symphorien-de-Mahun, en Ardèche.
Le 15 août 1996, Marc DUTROUX passa aux aveux dans l’affaire qu’on lui connait bien.
« Mon père m’a dit : ça c’est Marc, c’est un ami à moi. »
Plus tard dans l’interview, Noémie révèle un lien inattendu : elle dit avoir rencontré Marc DUTROUX, le célèbre criminel belge, et le cite comme étant un ami de son père. Noémie dit l’avoir rencontré à plusieurs reprises, à Tournai en Belgique et à Valence dans la Drôme.
Bien que « le monstre de Charleroi » ait été jugé comme un prédateur isolé et que l’affaire soit restée exclusivement belge, cette connexion implique nécessairement l’existence d’un réseau pédocriminel qui dépasse les frontières nationales.
Elle confie : « nous sommes allés chez un couple, dans un parc. C’est là que mon père m’a présenté Marc DUTROUX. Il m’a dit « ça c’est Marc, c’est un ami à moi. » J’ai dû lui faire la bise, et je suis partie. Parce que la conversation entre les deux hommes ne m’intéressait pas […] je l’ai salué et je suis allée jouer. »
Ce n’est pourtant pas la première fois que l’on entend parler de Marc DUTROUX en visite dans l’hexagone.
« Il existe nombre de traces du passage de DUTROUX en Ardèche, dans le sud de la France et jusque dans les Pyrénées »
En 2012, le C.I.D.E a résumé ses activités depuis le début des années 1990 en publiant un rapport portant sur les réseaux pédocriminels, incluant leurs diverses formes, les mesures de protection qui les entourent, et les liens existants entre eux.
Dans ce même rapport, le nom de Marc DUTROUX est évoqué à plusieurs reprises, dans un contexte méconnu du grand public dont voici les passages :
« Le nom de Marc DUTROUX apparaît dans plusieurs dossiers du C.I.D.E., en lien avec un réseau pédocriminel à composante sataniste. »
« Ainsi F. M., mère de S. et R., affirme que Marc DUTROUX s’est rendu à son domicile parisien à plusieurs reprises entre juin 1993 et 1995. R. a reconnu par ailleurs l’appartement de NIHOUL, comparse de DUTROUX, dans un reportage TV de « Canal+ » sur DUTROUX. La description faite a été confirmée par Frédéric LACROIX, journaliste de « Canal + ».
Il s’agit dans cet extrait de l’affaire du petit « Robert », qui a témoigné dans le même documentaire allemand face à la journaliste spécialisée Laurence BENEUX. Le père de l’enfant, Michel L. est cité dans plusieurs autres dossiers de pédocriminalité.
« Dans l’affaire D.-A., O. évoque – parmi les lieux où elle était emmenée avec son frère J. pour y subir de nombreux outrages – un « endroit à la campagne », une grande maison dans une propriété. Elle dit y avoir vu notamment DUTROUX. »
Il s’agit dans cet extrait de l’affaire « Pierre et Marie », deux enfants qui ont témoigné sur France 3 en 1999 dans le reportage d’Elise LUCET « viols d’enfants : la fin du silence », reportage connu pour avoir disparu totalement des archives de l’INA, mais qui a été sauvegardé et diffusé sur internet, censuré de YouTube mais trouvable sur la plateforme Odysée.
« N. M. (dossier en Ardèche) affirme avoir rencontré DUTROUX à deux reprises en présence de son père et de deux autres hommes qu’elle ne connaît pas. Elle l’a reconnu tout de suite à la télévision au moment où l’affaire a éclaté en Belgique. »
Dans ce passage, il s’agit de l’affaire de Noémie que l’on traite dans cet article.
« En fait, il existe nombre de traces du passage de DUTROUX en Ardèche, dans le sud de la France et jusque dans les Pyrénées comme le montrent les recherches autour de l’affaire S. B., une adolescente petit rat de l’opéra de Toulon, littéralement déchiquetée dans un accident de la route qui n’a de toute évidence jamais eu lieu, à Albertville, en 1995…) Le jeune homme responsable de ce pseudo- accident, C. M. C., fait partie de la famille M. C. (Albertville et Privas) en lien avec l’affaire M., mais aussi C. à Nice. Il est notamment établi qu’entre 1987 et 1994, DUTROUX voyageait entre la France et la Belgique, particulièrement à Privas. Il a été confirmé à X. B. (père de S., qui s’est battu jusqu’au bout – en vain – pour faire éclater la vérité sur la mort de sa fille) les relations entre les C. et DUTROUX. »
On comprend à la lecture de ce rapport du C.I.D.E comment s’articulent plusieurs réseaux français entre eux, jusqu’à arriver au nom de Dutroux.
« Un procureur de Privas, dont le fils serait handicapé, aurait eu lui-même à faire à DUTROUX. Son fils avait été violé et des rapports de police avaient été faits sur des accusations de torture, et de pédophilie envers des mineurs de l’hôpital psychiatrique de Sainte-Marie à Privas. DUTROUX et d’autres personnes auraient été impliquées. Affaires étouffées. »
Marc DUTROUX est-il toujours dans ce contexte le criminel « isolé » tel qu’il est généralement décrit ?
Dans le cadre de l’affaire à Saint-Victor, on retrouve une vingtaine d’adultes appartenant au même réseau et dénoncés par les enfants. Les enfants ont cité ces auteurs dès leur première déposition, en 1995. Parmi eux:
- Alain M., un ancien ébéniste, père des trois enfants, et ex-concubin de Mme G., la mère. Il est accusé d’être le chef présumé de ce réseau macabre.
- Maurice M., le grand-père des enfants et père d’Alain, est impliqué en tant que grand prêtre dans des rituels sataniques avec des sacrifices d’enfants, ainsi que dans la consommation de leur chair.
- D’autres membres clés de ce réseau incluent André D., ami d’Alain et déjà condamné à deux ans de sursis pour des agressions sexuelles sur une enfant.
- Christian N., un ancien prêtre associé à des activités sordides au Brésil et ailleurs, rabatteur pour le réseau et participant.
- André L., oncle des enfants et participant.
- Christine P., rabatteur d’enfants.
- Jean-Louis B., voisin de Mme G. chef de distribution des snuff movies, dispose d’un large carnet d’adresses.
- Geneviève B., ex-amie de Mme G. et secrétaire de mairie.
- Henriette J., accusée d’avoir prostituée Noémie et d’avoir aidé à effacer les traces des souterrains.
- Jacques D., participant aux cérémonies satanistes.
- Charles B., aumônier suspecté de participer aux activités sataniques.
- Jean B., évêque impliqué dans des rituels satanistes, figure locale importante à l’époque.
- Bernadette R., institutrice et secrétaire du réseau.
- Colette P., sœur d’Alain M. et marraine de Pierre.
- Bernard G., frère de Mme G. et oncle des enfants, filmant les actes de torture et de viol.
- Gérard B., facteur impliqué dans la distribution des cassettes.
- Dominique W., ayant aidé à la construction des caches souterraines.
Un bref récapitulatif chronologique de l’affaire judiciaire met en évidence que la justice n’a pas été rendue, tout en soulignant les insuffisances de l’enquête réalisée par la gendarmerie.
Mme G., la mère, s’est battue – en vain – pour protéger ses enfants d’une troublante histoire à laquelle elle ne pouvait pas s’attendre. Après une séparation à l’amiable avec le père en août 1994, à la suite de nombreuses absences nocturnes qu’elle ne cautionnait plus et qui duraient depuis deux ans, la découverte d’un livre pornographique dans les mains de Noémie déclenche une discussion sérieuse entre les parents. Les choses en restent là pendant un temps, mais en mars 1995, le vent tourne : Mme G. découvre qu’André D., compagnon de la nouvelle compagne de son ex-mari, a été condamné pour agression sexuelle sur une autre enfant.
Le doute grandit, et les enfants finissent par briser le silence, évoquant des actes troublants commis en novembre 1994 par leur père et d’autres adultes. De plus, ils parlent d’un mystérieux flacon bleu en forme d’étoile, un « parfum » appelé « Angel » que leur père leur faisait sentir… ce qui suggère qu’ils ont été drogués pour les forcer à participer.
En mars 1995, Mme G. emmène sans plus attendre Noémie chez un gynécologue, mais les résultats en ressortent négatifs. Elle dépose alors une première plainte. Une enquête est alors lancée, mais les rebondissements sont nombreux. Malika, une nouvelle amie de la mère, entre en scène et se sera d’une grande aide pour conseiller la mère dans ses choix. L’enquête s’accélère, Alain M. et André D. sont arrêtés séparément afin d’être interrogés, mais les preuves restent insuffisantes. Le 1er avril 1995, la vapeur se renverse : la plainte est classée sans suite, accusant Mme G. de mensonges.
Sous les conseils de Malika, la mère déménage à Cagnes-sur-Mer et dépose une nouvelle plainte. Mme G. et Malika se rendent à la brigade des mineurs, où elles sont accusées par les inspecteurs d’avoir provoqué ces événements. Les policiers accusent également Malika d’avoir influencé Mme G. et les enfants.
En 1997, Mme G. brise le silence, dénonçant un réseau pédophile par le biais d’une lettre accusatrice qu’elle diffusera de partout à Saint-Victor. Malgré les accusations, le droit de visite du père est maintenu, suscitant l’incompréhension. En octobre 1997, les enfants sont placés temporairement, mais la situation demeure complexe.
Dans le courant de l’année 2000, Mme G. décide de cacher ses enfants avec elle. Elle est arrêtée par la brigade de recherche de Toulon. Elle est accompagnée alors de Pierre et Matthieu. Les enfants sont placés le jour même au Centre Départemental de l’Enfance. Elle finit par être incarcérée à la prison pour femmes des Baumettes à Marseille. Plus tard, l’avocat finit par se retirer de l’affaire s’avouant être « usé », Mme G. est condamnée – en appel – à 8 mois de prison ferme et 10 000 FF de dommages et intérêts, et l’affaire reste en suspens avec une justice présumément non rendue.
Lorsque l’on traite la question des réseaux, il revêt une importance primordiale d’évoquer les témoignages multiples d’enfants qui ont partagé des expériences similaires, fréquenté les mêmes endroits, et parfois, fait face aux mêmes agresseurs.
Dans ce contexte, d’autres victimes éloignées géographiquement de Saint-Victor racontent avoir elles aussi été amenées les souterrains du village et avoir vu les mêmes choses.
Dans les annexes de son livre « Pédocratie à la française », Jacques THOMET évoque les cas de Noémie, Véronique et Sabine qui ont toutes les trois été victimes d’un réseau pédocriminel avec des embranchements communs. Elles ne se connaissent pas mais ont toutes les trois visité les souterrains de Saint-Victor.
Dans le rapport du C.I.D.E, on lit :
« En Ardèche, dans la « Maison Rouge », Véronique L. se souvient de pots avec des mains coupées (mains d’enfants dans du liquide transparent), sur les étagères dans le souterrain de la maison ».
En 2001, Véronique avait également témoigné dans un reportage au journal télévisé de TF1. Originaire de Jallais, près d’Angers, elle décrit des faits de viols entre 1984 et 1997. Ce sont ses parents qui l’avaient prostituée à des notables et amenée à plusieurs endroits en France, en Belgique et en Angleterre. Elle parle d’une secte martiniste qui tue et sacrifie des enfants et des animaux, contrainte par ses prédateurs de torturer et tuer elle-même. Ses parents ne furent finalement condamnés par la justice que pour les viols. Il est établi qu’elle s’est aussi rendue dans les souterrains de Saint-Victor selon son propre témoignage rapporté par le C.I.D.E.
Sabine, dans son cas, a visionné chez ses prédateurs dans l’Est de la France une disquette sur un ordinateur dans laquelle une liste de plusieurs noms et prénoms écrits en lettres grecques apparait. Parmi ces noms, sept d’entre eux sont des prédateurs cités par Noémie et ses frères. De plus, elle dit aussi avoir été amenée elle aussi par ses prédateurs dans lesdits souterrains. Sabine a eu le courage de témoigner sur ces activités sataniques et le réseau de pédocriminalité, malgré les menaces et les pressions.
Ces affaires ont comme dénominateur commun les trois femmes qui avaient connaissance des mêmes activités et des mêmes personnes impliquées dans le réseau et décrivent les mêmes rituels sataniques. Leur témoignage renforce la crédibilité des allégations et met en lumière l’existence présumée de ce réseau, qui s’apparente à une vraie mafia. Cependant, malgré leurs dénonciations, la justice n’a pas abouti à des poursuites contre les présumés agresseurs, laissant planer un doute sur la gravité de ces affaires ou la protection dont bénéficient les personnes impliquées.
Aujourd’hui, Noémie ne s’exprime plus sur ce sujet. L’approcher c’est se heurter à une réticence totale et virulente.
Elle disait lors de son témoignage télévisé :
« Je ne vais pas demander au monde entier de me croire. Chacun croit ce qu’il veut. Je sais que je dis la vérité. Je connais le poids de mes déclarations. Tout ce que je sais, c’est que des enfants sont tués et torturés tous les jours. Même si ce n’est pas agréable, je dois témoigner pour que les enfants n’aient plus à vivre ça. »
Dans le livre de Jacques THOMET, déjà cité plus haut, il écrit :
« N., que j’ai contactée par téléphone, est épouvantée à la perspective d’avoir à replonger publiquement dans un enfer qu’elle souhaite minimiser ou même démentir pour certains de ses pans, comme sa rencontre, à deux reprises, avouée jadis par elle avec le monstre belge Marc DUTROUX, et les meurtres d’enfants auxquels elle fut contrainte de participer avec ses prédateurs. »
Elle travaille désormais dans le secteur judiciaire, en faveur du dialogue et de la médiation entre victimes d’abus sexuels et auteurs, dans un but de réparation. Son combat, ce n’est plus désormais la protection des enfants martyrisés… mais la réhabilitation des prédateurs. Une source anonyme indique qu’elle a été vue en story sur les réseaux sociaux en compagnie de son père, lors de travaux d’aménagement dans son appartement pendant le premier confinement, en 2020. Si cela s’avère exact, il est difficile de comprendre ce retournement de situation…
Nous sommes en 2024, soit 28 ans après la première plainte déposée par les enfants, et à ce jour, aucune réparation, aucune justice n’a été faite. Les souterrains de Saint-Victor sont restés scellés, les prédateurs encore de ce monde vivent une vie tout à fait normale. Le sujet auprès des victimes reste tabou, et on peut le comprendre, après le traumatisme qu’elles ont traversé.
Si le réseau aux multiples ramifications s’est sans doute éteint à Saint-Victor, on peut douter qu’il n’est pas pour autant complètement anéanti. Les prédateurs, cités dans cette affaire, sont-ils toujours actifs ? La question reste entière…
R.
#Fsociety