FRED LEPARAN : TRAFIC D’ENFANTS AU KENYA



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À DROITE : FRED LEPARAN


En 2020, Joel Gunter et Anna Payton de l’équipe de l’émission «BBC Africa Eye investigation», avait lancé une grande enquête au sein des hôpitaux publics locaux et les maisons d’enfants de Nairobi, à Kiambu, à Kayole, et des cliniques illégales « de rue », qui malheureusement existent depuis toujours. Les autorités ne font rien pour faire fermer ces cliniques et mettre en place un système fiable pour la sécurité des mamans et leurs bébés. Les bébés de ces femmes qui vont accoucher, dans ces lieux illégaux, sont systématiquement revendus sur le marché noir.

Leurs investigations ont révélé la vente illégale bébés et jeunes enfants, impliquant une chaîne de protagonistes au sein des établissements hospitaliers et le milieu de la délinquance Kenyane. Il s’agit d’un véritable réseau clandestin florissant de trafiquants d’enfants qui arrachaient les bébés à de mères vulnérables pour les vendre sur le marché noir pour seulement 400 dollars. Les victimes étaient souvent des mères et leurs enfants sans abri ou en situation de grandes pauvreté. On parle d’énormes profits générés de centaines de milliers d’euros. Il s’agit d’un système d’adoption illégale et aussi pour les croyances de sorcellerie ou les enfants volés servaient d’objet de sacrifice.



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LE JOURNALISTE DE LA BBC :
JOEL GUNTER


Pour mener à bien cette enquête et récolter des preuves, les journalistes de la BBC se sont fait passer pour des acheteurs de bébés. Ils se sont arrangés pour acheter un enfant abandonné dans l’hôpital public. Un responsable de l’hôpital avait utilisé des papiers officiels pour obtenir la garde d’un petit garçon de deux semaines. Ensuite, ce responsable l’avait vendu directement aux journalistes sous couverture.

La BBC a également révélé, par des témoignages de mères, comment procèdent les trafiquants. Ces jeunes filles, comme Rebecca, souvent à l’âge de 15 ans, vivant dans la rue, se font embarquer par de belles promesses et épouser par des hommes plus âgés, qui les mettent enceintes et ensuite les abandonnent. Elles élèvent leurs enfants dans la pauvreté et la dureté de la rue. Leurs enfants sont volés très jeunes, souvent la nuit quand elles dorment, par des gens riches ou d’autres opportunistes appartenant au cartel de ce trafic. Le premier fils de Rebecca, Lawrence Josiah avait un an quand il s’est fait kidnappé. Certains disent l’avoir aperçu. Il aurait 10 ans aujourd’hui. Rebecca est allée voir la police, mais elle a été ignorée.

Ces témoignages font état de disparition de bébés et de jeunes enfants depuis 2012. Les mères parcourent des kilomètres à travers le pays en visitant toutes les maisons d’enfants pour les retrouver, mais elles n’y parviennent jamais. Ce cartel était composé d’opportunistes vulnérables jusqu’aux criminels organisés. Les deux catégories travaillent de concert. Les opportunistes sont très souvent des femmes, alcooliques et droguées, qui vivent aussi dans la rue. Elles surveillent de jeunes mères sans abri comme elles pour leur voler leurs enfants, spécialement celles qui ont des nourrissons de moins de 3 ans. Elles peaufinent leur mode opératoire de différentes façons. Parfois, elles parlaient avec la mère pour connaître sa vie et ses intentions, ou la droguaient avec des somnifères ou de la colle, ou encore se familiarisaient avec les enfants.

LES VOLEURS D’ENFANTS :
Anita, une opportuniste bien connue dans le réseau de ce trafic, n’était pas à court de moyens pour se faire de l’argent en volant des enfants. Elle disait aux journalistes que sa patronne la mettait sous pression pour enlever des enfants et, qu’une fois vendus, elle n’a plus aucune nouvelle sur leur sort. Elle expliquait n’avoir aucun remord ni empathie, pourvu qu’elle gagnait de l’argent. Cette patronne, une femme d’affaires locale, achetait des enfants à des délinquants pour 450 USD pour une fille et 720 USD pour un garçon, prix du marché à Nairobi. Ses clientes, des femmes stériles, achetaient ces enfants sous forme d’adoption. D’autres les achètent en vue de sacrifices de sorcellerie. Ces enfants sont considérés comme de la marchandise, dont ils négocient le prix.


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ANITA, MEMBRE DU RÉSEAU

Anita se vantait de montrer aux journalistes sous couverture comment elle organisait les enlèvements. Lors d’un rendez-vous avec les journalistes, elle était avec une petite fille de 5 mois qu’elle venait d’enlever à sa mère, après avoir abusé de sa confiance. L’acheteur était prêt à payer même le prix pour un garçon. L’affaire devait se conclure le lendemain de l’enlèvement.

Fred Leparan, un travailleur social de l’Hôpital Mama Lucy Kibaki, censé protéger les enfants de cette clinique, est impliqué directement dans ce trafic et s’arrange régulièrement pour vendre des enfants, étant en contact avec des femmes qui veulent acheter des bébés après avoir désespérément tenté d’en concevoir. Il affirme que des parents abandonnent leurs enfants dans cet hôpital, comme ce petit garçon qu’il a vendu pour 2700 USD, alors qu’il devait le placer dans une famille d’accueil qui est elle-même sous le contrôle de l’Etat pour le bien-être de l’enfant.
Les témoignages de sources de son entourage l’accablent.
Il s’est fait prendre au piège par Rose, une journaliste de Africa Eye sous couverture, car c’est à Rose qu’il a vendu ce petit garçon.

LES INVESTIGATIONS DE GHETTO RADIO
La BBC avait eu l’aide des journalistes de Ghetto Radio


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HÔPITAL MAMA LUCY KIKABI

En effet, Africa Eye et une journaliste locale Judith Kanaitha de Ghetto Radio ont investigué en infiltrant le réseau de vol de bébés. Ils ont collaboré aussi avec Njeri Mangin, une militante des droits de l’homme et la cofondatrice de Pawa254, un centre de collaboration basé à Nairobi.

Ensemble, elles ont contacté , sous couverture, une clinique dans le quartier Kayole de Nairobi, un quartier qui abrite les plus pauvres de la ville. Le commerce de ces bébés qui naissent dans cette clinique est en croissance grimpante , selon cette journaliste également sous couverture.

Mary Auma, directrice de cette clinique, prétend avoir travaillé dans les plus grands hôpitaux de la capitale. Judith Kanaitha s’était faite passée pour une acheteuse, alors que deux femmes étaient entrain d’accoucher. Mary Auma lui propose de lui vendre un enfant à naître pour 400 USD. Quelques temps après, elle disparait après avoir été filmée par l’équipe d’infiltration. Lors d’un récent retour à Nairobi, les journalistes n’avaient trouvé aucun signe d’Auma et sa clinique était fermée. Elle a échappé à la justice.

La maman de l’enfant à naître était Adama. Elle s’est retrouvée dans la même situation que Rebecca. Elle avait perdu son emploi sur un chantier, physiquement difficile à assumer en étant enceinte. Alors, elle a accepté de vendre son bébé pour survivre. Son revenu prévu était de 100 USD. Mary Auma lui aurait fait avaler des médicaments pour la faire accoucher, lui disant que l’acheteur de son bébé tenait à le prendre. Mais, à sa naissance, le petit garçon a eu des problèmes de santé et a dû être emmené par sa mère à l’Hôpital Mama Lucy. Deux semaines plus tard, la directrice de la clinique écrivait à la journaliste sous couverture comme quoi le paquet était né. C’est 45000 shillings (400 USD).

Mais, Adama n’a pas refusé de vendre son bébé à n’importe qui. Alors, elle l’a remmené à l’Hôpital Mama Lucy, censé être contrôlé par le gouvernement. C’est là qu’elle fait la connaissance de . Elle pensait que cet hôpital allait prendre soin de cet enfant en le faisant adopter par une famille bien attentionnée. Elle n’a jamais touché son argent. Mais, Leparan voulait voler ce petit garçon pour le vendre aux journalistes sous couverture de Africa Eye. Apparemment, le personnel qui travaillait avec lui n’était au courant de son trafic et ne se rendait pas compte qu’un bébé était entrain d’être vendu sous leur yeux, avec trois autres enfants. C’est ce petit garçon qui lui rapporté les 2700 USD. Les 3 enfants ont été retrouvés l’Agence de réhabilitation d’Imani.

LES SUITES JUDICIAIRES :
Suite au scandale de cette enquête , les autorités du Kenya ont décidé de renforcer la sécurité dans les hôpitaux et les maisons pour enfants. L’Inspecteur Mutyambai avait ordonné une enquête nationale, en mobilisant les commandants des comtés pour prendre immédiatement toutes les mesures, surtout dans tous les foyers et les hôpitaux privés et publics du pays qui ont à faire avec des enfants.

D’autres arrestations en vue. En novembre 2020, il y a eu sept arrestations : Peines encourues, jusqu’à 30 ans :

  • Dr Emma Mutio, la directrice générale de l’hôpital Mama Lucy à Kibaki
  • Dr Regina Musembi
  • Musa Mohammed Ramadhan, directeur médical
  • Juliana Mbete Kimweli, administratrice de l’hôpital Mama Lucy
  • Makallah Fred Leparan, travailleur social de l’hôpital
  • Selina Awour Adundo, travailleuse sociale de l’hôpital
  • Beatrice Njambi Njoroge, chef de l’unité des nouveau-nés


Les autorités qui ont permis les arrestations et condamnations :

  • Inspecteur général de la police kenyane Hilary Mutyambai
  • Porte-parole de la police kenyane, Charles Owino
  • Direction des enquêtes criminelles (DCI)
  • Enquêteur : Wanga Masaki
  • Direction des poursuites publiques (DPP)
  • Tribunal de Nairobi, Magistrat en chef, Martha Mutuku
  • Secrétaire du cabinet du travail et de la protection sociale, Samuel Chelugui
  • Président de l’Union kenyane des agents cliniques, Peterson Wachira


En ce qui concerne Anita, après la caméra cachée avec les journalistes de la BBC, elle avait disparu avec l’enfant. Africa Eye en a informé la police, qui a mis en place une opération d’infiltration pour faire arrêter Anita et sauver l’enfant. Des semaines plus tard, elle a été retrouvée. L’enfant avait été vendue pour un prix supérieur. Avec l’argent, elle s’était faite construire une cabane dans le bidonville. La police a gardé un dossier sur sa elle, mais elle n’a jamais été arrêtée, ni mise en examen, ni accusée, ni traduite devant un Tribunal.

LES POSITIONS DES INSTANCES GOUVERNENTALES :
Il existe peu de statistiques fiables sur l’ampleur du trafic d’enfants au Kenya. Selon Florence Bore, secrétaire du Cabinet du Travail et de la Protection sociale, 6 841 enfants ont été portés disparus entre juillet 2022 et mai 2023. Seuls 1 296 ont retrouvé leur famille.

Mueni Mutisya, de l’unité chargée de la traite des enfants à la Direction des enquêtes criminelles, a déclaré à la BBC :
« l’unité reçoit actuellement en moyenne environ cinq nouveaux cas d’enlèvement d’enfants par semaine. La majorité concerne les familles aux revenus les plus faibles« .
De nouvelles lois sont entrées en vigueur en 2022, qui ont renforcé la protection des enfants dans le pays , mais selon Mueni Mutisya :
« Il reste encore beaucoup à faire. Nous avons réclamé de nouvelles règles obligeant le grand public à signaler tout soupçon selon lequel un enfant aurait pu être maltraité ou enlevé « .

Selon les propos de Samuel Chelugui, secrétaire du cabinet du travail et de la protection sociale :
« Nous condamnons le vol et la vente présumés de bébés à Nairobi et dans toute autre partie du pays ». Il sous-entend que ce ne sont que des allégations, alors qu’ils ont déjà toutes les preuves en main depuis des années. D’autres affaires ont été traités par les tribunaux les années précédentes.


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SAMUEL CHELUGUI

Il prétend aussi que les hôpitaux du Kenya sont sûrs pour les mères et leurs nouveau-nés :  » Une équipe d’agents et d’experts des agences gouvernementales concernées a été constituée pour enquêter de manière exhaustive sur les allégations faites et prendre les mesures nécessaires « 
Au vue de l’enquête de la BBC, nous espérons que ce n’est par de la langue de bois.

Dans une enquête, rien ne doit être laissé au hasard. Toutes les pistes doivent être exploitées, afin de prouver la culpabilité ou l’innocence des suspects, en trouvant des preuves matérielles ou témoignages de sources fiables. En 2020, le Cabinet a approuvé la nouvelle loi sur l’enfance qui traite des questions d’adoption d’enfants, de tutelle, d’institutions pour enfants et notamment de la violence contre les enfants. Mais, va-t-elle être appliquée ?
Mr Chelugui avait déclaré :
 » Le pouvoir judiciaire et le ministère public ont fait des progrès dans la mise en place de tribunaux pour enfants destinés à améliorer la prise en charge des enfants. Ayons un objectif commun : protéger les enfants « .

Nous Nous rappelons que le gouvernement kenyan ne tient aucune statistique de la traite des enfants, il n’y a aucun rapport, ni enquête complète de sa part.

LES ONG METTENT EN PLACE UN NUMERO VERT :
Le seul espoir des mamans est Missing Child Kenya, une ONG fondée et dirigée par Maryana Munyendo. En 4 ans, l’ONG a travaillé sur 600 cas. En 2019, elle affirmait que 215 enfants avaient disparus, mais que moins de la moitié avaient retrouvé leur famille. Selon Mme Munyendo, le problème est très important au Kenya, il n’est assez signalé et ce n’est que la surface.

Même s’il s’agit d’un crime, ce n’est pas une priorité dans le plan des autorités, ni des médias pour pousser les autorités à agir, vu le statut économique de ces mères, qui n’ont aucun moyen, ni réseau, manquant d’informations pour protéger leurs enfants et demander de l’aide dans la recherche de leurs enfants disparus.


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Le problème est aussi culturel avec la stigmatisation de l’infertilité. Une femme est rejetée de sa famille si elle ne peut pas enfanter, et surtout un garçon. Alors, celles qui ne peuvent pas avoir d’enfants les volent à d’autres jeunes mères vulnérables par ce réseau de trafiquants.

Pourquoi le Kenya est touché par l’infertilité ?

Y a-t-il que le Kenya ?

Cette enquête pourrait déboucher sur les campagnes de vaccination généralisée dans plusieurs pays d’Afrique, décidées par les gouvernements, avec les vaccins de Bill Gates, sous prétexte d’éradiquer le paludisme, l’Ebola, le tétanos, etc, qui contiennent des produits stérilisants et qui sont administrés à l’insu des populations. Avec le Covid, ces pays sont devenus les laboratoires de ces psychopathes pour les nouveaux vaccins qui contiennent également des nanoparticules à injecter sous la peau, développées par le MIT.

LE VERDICT :
En novembre 2020, Bernard Ochoi, le magistrat principal du tribunal de Milimani a innocenté la directrice générale de l’hôpital Mama Lucy Kibaki, le Dr Emma Mutio, et l’administrateur, le Dr Regina Musembi, de toute responsabilité pénale.

En septembre 2023, Makallah Fred Leparan a été inculpé et condamné à 35 ans de prison pour le vol de deux enfants de l’hôpital Mama Lucy et Selina Awour, sa complice et collègue de travail a eu la même peine. Le tribunal s’est appuyé sur le caractère aggravant de la mort d’un des bébés qu’ils avaient kidnappé, pour statuer sur la peine.





 

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