Ça ne s’arrêtera jamais … Une nouvelle affaire d’abus sexuels dans une école secoue la Nouvelle Zélande. La Dilworth School, une école privée qui accueille des garçons issus de milieux défavorisés, de 9 à 18 ans, est pointée du doigt par un collectif de plus de 150 victimes qui accuse certains membres de son personnel d’abus principalement physiques et émotionnels, tels que l’intimidation et les châtiments corporels excessifs, mais malheureusement aussi des abus sexuels. Des accusations sur des faits remontant à 1970. 11 hommes sont mis en cause par ceux qu’on appelle les Old Boys, les victimes, des anciens élèves. 11 seulement ? 40 ans de sévices et d’abus sexuels perpétrés par seulement une dizaine de pédos sur plus de 150 enfants ? Difficile à croire. Bref, quoiqu’il en soit, ce sont 150 victimes de trop, 150 garçons qui auraient pu être épargnés si la loi du silence n’avait pas été encore une fois le mot d’ordre. Cette enquête de police, connue sous le nom d’Opération Beverly, a débuté par les entretiens des victimes dès 2019, les arrestations ont quant à elles commencé en Septembre 2020.
La Dilworth School est une école privée, affiliée à l’église anglicane et située dans la banlieue centrale d’Auckland, à Epsom. Depuis 1906, elle a traditionnellement assuré la scolarisation des garçons issus de milieux défavorisés en leur offrant une éducation d’élite. Cette école est en fait un grand campus réparti en 3 zones : un campus senior, junior et rural, dans lesquels près de 600 enfants (258 identifiés comme insulaires du Pacifique et 155 comme Maoris) sont affiliés selon leur âge. La gestion est assurée par une fiducie caritative, le Dilworth Trust Board, dont le conseil d’administration est présidé par Aaron Snodgrass. Selon leurs dires, les fonds récoltés permettent aux familles dont les enfants sont scolarisés de ne débourser aucun frais et à certains enfants de bénéficier d’une bourse. Cet organisme de bienfaisance possédait en 2019 un actif de 908 millions de dollars (investissements en immeubles et autres). Énorme ! Cette même année, il y a eu 87 millions de dollars de recettes totales et un peu moins de 30 millions de dollars de dépenses. 57 millions de bénéfices … A quoi servait tout ce fric ? Bon, il y a les frais de fonctionnement, les salaires des employés, les bourses des élèves, ok mais de là à coûter 30 millions… Et puis l’école est dotée d’une grande notoriété nationale, ça expliquerait éventuellement certaines donations, mais 87 millions, on reste dubitatif. Aucune trace d’aucune donation, on ne saura donc rien de plus.
Plusieurs de ses anciens élèves sont devenus des stars du sport – les joueurs de rugby à XV (All Black) James Arlidge et Riki Hoeata, ainsi que le boxeur professionnel David Aloua – ou des politiciens – le député Jami-Lee Ross et Mike Moore, un ancien Premier ministre – c’est assez étonnant d’ailleurs. Ou pas, puisqu’on sait que la plupart du temps, l’accès à la célébrité ou au pouvoir rime avec contrôle mental sur fond d’abus sexuels. Aucun argument valable pour étayer cette hypothèse mais ça mérite quand même de se poser la question.
Une belle vitrine au prime abord mais derrière le rideau c’était l’horreur. Ted Dawe, un auteur, était responsable de l’anglais à Dilworth entre 1989 et 2002 ; il décrit une ambiance malsaine, des doutes permanents sur tout ce qu’il s’y passait. » Cela ressemblait plus à un orphelinat qu’à une école. Les relations étaient malsaines et étroites…Les enfants étaient incroyablement nécessiteux et très, très désireux de gagner les faveurs…Ce n’étaient pas des choses que j’ai vues – je n’aurais pas pu les voir – c’était simplement des choses que je supposais, qui se passaient autour de moi, mais dont nous n’avons jamais été informés. » Il évoque aussi des départs soudains de personnels anciens et ce de manière récurrente. Un Old Boy des années 70 témoigne du même phénomène. Il ajoute, tout comme d’autres anciens élèves que l’intimidation était omniprésente, parfois sadique. Tous ont été traumatisés.« Il m’a fallu environ 10 ans pour arrêter d’en rêver ». Ces ordures se protégeaient les uns les autres en menaçant les victimes et les témoins de leurs abus, de représailles voire d’expulsion ou pire : « Vous ne parlez à personne à aucun moment ou vous êtes de la viande morte ». De la pédagogie vous dites ?
QUI SONT LES ACCUSÉS ?
Ross Douglas Browne est devenu directeur adjoint des scouts à la fin des années 1960 puis aumônier à Dilworth de 1979 à 2006, date à laquelle il a démissionné. Il était également le directeur depuis une cinquantaine d’années du Auckland Central Gang Show, une production de théâtre musical liée aux scouts, et prêtre à l’église St Luke à Manurewa. Il récolte 23 chefs d’accusation concernant 13 garçons dont l’agression d’un garçon de moins de 16 ans en 1991, d’un garçon de moins de 12 ans en 1994, d’un garçon de moins de 16 ans entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1997, d’un garçon de moins de 16 ans en 2002. On imagine bien qu’il ne s’est pas « contenté » de 23 garçons pour assouvir son sale vice pendant 50 ans …
Graeme Charles Lindsay, habitant de Levin, a avoué les agressions qui ont eu lieu dans les années 70. Répertorié comme médecin, il semble avoir été employé dans un centre de recherche du ministère de l’Agriculture et des Forêts de la région, travaillant pour le compte du gouvernement néo-zélandais. Il a dû garder certaines relations, on verra quelle peine lui est réservée. Il fait face à trois chefs d’accusation d’attentat à la pudeur pour des faits qui se seraient produits en 1973 et 1975, impliquant deux garçons âgés de 10 à 13 ans.
L’ancien directeur adjoint Ian Robert Wilson, 69 ans, a été accusé d’attentat à la pudeur sur cinq étudiants entre 1975 et 1992 – certains plus d’une fois et sur une période de plusieurs années. Il a plaidé coupable pour agression d’un garçon de moins de 16 ans à 12 occasions différentes entre 1979 et 1982 et pour incitation d’un autre garçon de moins de 16 ans à commettre un acte indécent envers lui en 1977. Il a été condamné à 3 ans et 7 mois de prison. Plusieurs victimes évoquent leurs plaintes concernant les abus subis mais il a toujours fait la sourde oreille, il protégeait aussi ses petits copains. Son avocat Steve Cullen a déclaré que Wilson était un prédateur et qu’ il l’acceptait et en assumait la responsabilité. Oui mais le mal est fait espèce de malade ! « Il a été approché par un membre du personnel qui lui a présenté un mode de comportement à l’école qui était dégénéré, et il est tombé sous le charme, mais ce n’est en aucun cas une excuse et il l’accepte et le reconnaît. » Wilson avait commencé à Dilworth en 1971 et était devenu directeur adjoint après avoir occupé de nombreux postes de direction à l’école. Il était également un membre fondateur du National Venturers Council (scoutisme) en tant que représentant de Northland. Il a ensuite été chef scout à Dilworth pendant plusieurs années avant de devenir chef de groupe en 1978.
Alister Grant Harlow, 61 ans, est un comptable de la ville de Hillsborough. Il était maître de maison adjoint de la maison Erin en 1985 et 1986 avant de devenir maître de maison entre 1987 et 1992. Il était ensuite maître de maison adjoint de la Gibson House du campus junior en 1993 et 1994, et très impliqué dans la gestion du groupe scout de l’école. Il est accusé d’avoir agressé brutalement un garçon de plus de 16 ans en 1990. Une seule victime ?? Vous plaisantez ? Il a plaidé, bien évidemment, non coupable.
Richard Charles Galloway est un ancien maître scout. Il est aujourd’hui décédé (ce qui est une bonne chose puisqu’il ne fera plus de victimes mais il n’aura pas été jugé …). Outre les accusations d’abus sexuels à Dilworth, Galloway a été accusé d’avoir fourni du cannabis à 2 garçons. Pour mieux les abuser ? Galloway, un homosexuel assumé, était contrôleur aérien depuis 25 ans et un bénévole, membre du personnel depuis longtemps du service de consultation téléphonique LGBTQI de Nouvelle-Zélande, OUTLINE, et propriétaire d’ une entreprise de location d’œuvres d’art appelée Vermilion Art Limited. Il était également membre du club de badminton Auckland Feathers, un club fondé pour la communauté LGBTQI.
Keith Dixon , 70 ans, de Palmerston North, est décédé lui aussi. Dixon a été tuteur pendant 10 mois à MacMurray House (Campus Junior) en même temps que Rex McIntosh et Ian Wilson, ses potes pédos. Il est accusé d’agression sexuelle sur 3 garçons de moins de 16 ans en 1973 et 1974. C’est un multirécidiviste, il avait déjà été condamné et fait de la prison pour des faits similaires (attentat à la pudeur et acte indécent) en 1997 et 2014. Pour le coup, il est difficile de croire qu’il n’aurait fait qu’une seule victime à Dilworth surtout à proximité de 2 autres salopards violeurs d’enfants sur la même période. En 2012, une de ses victimes devenue adulte a décidé de dénoncer les violences subies auprès de Derek Firth, le président du conseil d’administration. Cet individu a déclaré dans une lettre qu’il était heureux de rencontrer la victime mais que ce ne serait « rien de plus qu’une courtoisie » et qu’il ne fallait pas qu’il s’attende à quelconque compensation. No comment.
Rex Clarence McIntosh était maitre de maison à Dilworth mais aussi chef de chœur junior, professeur d’art et instructeur de plongée. Il est décédé lui aussi. Il faisait face à 7 accusations d’attentat à la pudeur sur 5 garçons entre 1972 et 1980. L’un d’eux avait moins de 12 ans au moment des faits, les autres entre 14 et 16 ans. Il a lui aussi bien-sûr nié toutes les accusations à son encontre. Très fier de son statut d’acteur et réalisateur pendant plus de 35 ans, il a joué principalement dans Camelot, Evita, Chicago, ’Allo ’Allo! (film pour lequel il a été nommé meilleur acteur aux NAPTA Awards). On s’interroge quant au nombre réel de victimes qu’il a pu faire tout au long de sa carrière ayant enseigné dans plusieurs établissements scolaires après Dilworth : Botany Downs Secondary College, Ormiston Senior College, Pakuranga College, Ruawai College.
Sur la liste officielle des pédos de Dilworth, nous n’avons retrouvé que 7 d’entre eux, 4 manquent encore à l’appel. Leurs noms sont cachés, la loi l’autorise. Ce qui est toujours hallucinant, c’est de voir encore une fois, avec quelle facilité leurs agissements immondes, qui pourtant étaient bien connus de tous, ont pu être balayés d’un revers de la main : démission, licenciement… mais comme d’habitude dans ce genre d’affaire, aucune plainte, aucune dénonciation à temps à la police. On déplace ou on efface, aussi simple. Par contre, c’est beaucoup moins confortable pour les victimes qui elles devront porter ce fardeau toute leur vie ; certaines ne pouvant même pas avoir l’opportunité un jour de voir leurs bourreaux sanctionnés. Le recours collectif n’est plus possible, les avocats des victimes (Cabinet GCA Lawyers) affirment que les batailles judiciaires peuvent être coûteuses et longues, en particulier contre des « accusés aux poches profondes » comme Dilworth. Consternant, révoltant !
Sources 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11,12, 13, 14, 15, 16, 17
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